Je reviens tout juste de Dubaï, où je suis allé donner deux cours. Pendant que j’étais là, la guerre de Gaza continuait, ainsi que la guerre civile dans le nord de l’Iraq et la Syrie entre le groupe islamiste ISIS et les forces interarmées kurdes et iraquiennes, qui répliquent avec la puissance aérienne américaine.
Plutôt que d’aborder un sujet conceptuel ce mois-ci, je résumerai certaines de mes observations et réflexions découlant de ce voyage et d’autres enjeux brûlants cet été. L’idée maîtresse est qu’une perspective plus large ajoute à notre compréhension des enjeux mondiaux, particulièrement en ce qui a trait à la stratégie et au leadership.
En juin, lorsque l’offensive de l’ISIS a commencé dans le Kurdistan iraquien, j’ai envoyé un courriel à un ancien étudiant qui œuvre en éducation à Erbil. Je m’informais s’il tenait le coup au milieu de ce conflit et lui souhaitais bonne chance. J’avais oublié ce message quand une brève réponse m’est parvenue la semaine dernière. Mon correspondant mentionnait que les choses « n’allaient pas très bien ces derniers 30 jours ». Je dirais que c’est un bel euphémisme. Il a décrit certains problèmes qui nuisaient à son travail. Et il terminait son bref rapport en disant : « Je crois que peu importe ce qui arrivera, l’éducation ne devrait pas s’arrêter. » Cela va de soi!
Par contre, j’ai deux amis en Israël qui se sont débrouillés pour continuer d’exploiter leur entreprise malgré les fréquentes attaques de missiles lancés depuis Gaza. D’après ce que je peux conjecturer, en Israël, à peu près tout le monde a un abri contre les bombardements et peut continuer à vaquer à ses occupations même sous les bombes. Dans un cas, mon ami était en conférence téléphonique avec un client et son équipe aux États-Unis quand il a dû interrompe l’appel pendant 40 minutes pendant que lui et sa famille se réfugiaient dans leur bunker. Il a pu continuer sa conférence après la fin de l’alerte. Faut-il ajouter qu’il espérait que cela ne nuise pas trop à ses affaires.
Peu importe la nature de nos problèmes, ce genre de situation nous force à élargir notre perspective de nos propres circonstances. Comme je le disais précédemment, j’étais à Dubaï pendant deux semaines pour donner une formation à une firme basée aux Émirats arabes unis, AZTech Training and Consultancy. Les participants à ces cours sont presque tous des Arabes provenant des pays membres du Conseil de coopération du Golfe, principalement l’Arabie saoudite, le Qatar, le Koweït et les Émirats arabes.
Les participants sont majoritairement des hommes; il y avait deux femmes à chacun des deux cours. L’une d’elles est médecin au Qatar et elle travaille aussi en management, elle gère un réseau de cliniques de soins primaires. Pendant mon séjour à Dubaï, j’ai remarqué que la plupart des femmes locales portaient le niqab qui couvre tout le visage et ne laisse qu’une fente pour les yeux. Les participantes aux cours portaient le abaya et le hijab, mais cela ne semblait pas les empêcher de mener des carrières fructueuses et stimulantes et de faire un excellent travail. J’ai été particulièrement impressionné par leurs connaissances et leur intellect. Cela peut sembler condescendant, mais je pense que les femmes qui choisissent de poursuivre une carrière dans une telle culture dominée par les hommes doivent être exceptionnelles dans leur domaine.
Je ne sais pas si c’est le cas dans les autres régions du Moyen-Orient, mais dans les pays du Golfe, le népotisme et le copinage sont endémiques. Un des participants m’a dit qu’il évitait d’utiliser son nom de famille — beaucoup de personnes n’utilisent que leur prénom suivi d’un patronyme — parce qu’il travaille aux services aux étudiants d’une grande université. Il dit que lorsque les gens connaissent son nom de famille, ils essaient de l’utiliser pour obtenir des faveurs ou des avantages pour leurs enfants.
Beaucoup de participants se sont plaints d’avoir à travailler pour des gestionnaires ou des cadres supérieurs qui occupent ces fonctions seulement à cause de leurs relations. Cela semble rendre la vie professionnelle assez difficile et frustrante dans plusieurs cas. Quand je donne cette formation, on me demande souvent ce qu’il faut faire dans une telle situation. Je réponds toujours qu’ils peuvent éviter de reproduire ce même comportement pour que les choses évoluent vers une culture d’affaires orientée davantage sur le rendement. D’un autre côté, je réalise que c’est une réponse facile, spécialement quand ils doivent composer avec une culture omniprésente et des pressions familiales pour se conformer aux pratiques traditionnelles.
Cela étant dit, les participants admettent que les attentes à cet égard sont en voie de changer. La population globale des Émirats arabes dépasse les 8 millions, mais il n’y a qu’environ 1,5 million de véritables Émiriens parmi eux. Je crois que tôt ou tard les cultures de l’Amérique du Nord et de l’Europe, plus axées sur la performance et le rendement, l’emporteront.
Une des choses les plus impressionnantes aux Émirats arabes, et tout particulièrement à Dubaï, est à quel point ils sont axés sur une vision de développement et de croissance. Les Émirats arabes ne sont certes pas une démocratie, mais les princes qui règnent sur les sept émirats ressemblent plus à des despotes éclairés qu’à des tyrans impitoyables. Le pays vise à devenir un centre financier mondial, une destination touristique importante et un centre de classe mondiale en matière d’éducation supérieure et de recherche scientifique et technique. Les dirigeants ont une vision dont tous les habitants du pays sont conscients et il semble qu’elle soit largement soutenue.
Je doute qu’une nation puisse devenir un incubateur d’innovation et d’acquisition du savoir sans une certaine forme de démocratie et une ouverture totale. D’un autre côté, les Émirats arabes dépendent largement de la main-d’œuvre étrangère pour tous les travaux manuels, et des Occidentaux instruits et cultivés pour occuper les postes d’éducateurs, de professionnels et de cadres de direction. Conséquemment, le gouvernement est tolérant vis-à-vis des manières occidentales de faire les choses, en autant que les expatriés ne questionnent pas la structure sous-jacente et le fonctionnement de la société.
Les pressions exercées par la génération suivante feront-elles une différence? J’ai vu beaucoup d’adolescents locaux qui s’habillent et agissent comme des adolescents d’ici. Ils sont tous collés à leurs téléphones intelligents et la mode est identique. Cela est-il un signe de convergence culturelle mondiale ou tout simplement une ressemblance superficielle?