Dans le dernier numéro, j'ai présenté un modèle qui permet d'analyser et d'entrevoir des actions et des mesures possibles en vue de prévenir et de bien gérer des problèmes et des crises. Ces actions peuvent être de nature préventive, corrective, adaptative ou contingente.
Il faut être prêt pour les problèmes, les crises et autres situations à connotation négative. Par contre, il faut aussi être prêt à réussir et à exploiter le succès. Le modèle présenté le mois dernier peut aussi être utilisé pour se préparer pour le succès.
Prenons l'exemple du lancement d'un nouveau produit. Le niveau de production et les décisions connexes (investissements en équipement, système de distribution, plan de mise en marché et de promotion, plan d'embauche et de formation, etc.) seront établis en fonction de prévisions de marché. Ainsi, il y a toute une suite de plans opérationnels qui dépendent nécessairement de la fiabilité des prévisions initiales. Une petite divergence à cet égard peut avoir un effet disproportionné sur la mise en œuvre des plans qui en découlent.
Imaginons que l'entreprise lance son produit, mais que la production ne suffit pas à combler la demande. Le réflexe serait peut-être de vouloir corriger le problème en augmentant la production. Malheureusement, si la demande dépasse largement la capacité de production, il y aura un certain délai avant que les nouveaux investissements viennent combler la demande. L'entreprise aurait donc manqué une excellente occasion d'affaires. La direction aurait pu prévenir ce problème en prévoyant un niveau plus élevé de capacité, mais il y avait des risques de surinvestissement. En effet, l'entreprise aurait pu être confrontée à un excès de capacité de production si la demande tardait à se réaliser, ce qui n'est pas nécessairement mieux.
Ceci étant dit, puisqu'elle serait déjà aux prises avec un excès de la demande sur la capacité, la direction pourrait appliquer des mesures d'adaptation pour atténuer les effets d'un problème actuel. Il y a deux options possibles : réduire la demande ou tenter de la combler.
La première option peut paraitre bizarre, mais elle est évidente dans la stratégie de Apple lors de l'introduction du iPhone. La stratégie de prix relativement élevé et le contrat d'exclusivité avec AT&T créaient un effet de rareté. Seulement les consommateurs les plus aventureux (early adopters) se sont rués sur le iPhone. Même avec cette stratégie, Apple a dû composer avec un excès de la demande, mais elle a pu acheter plus de temps pour augmenter l'offre du produit.
En fait, le lancement de l'iPhone illustre avec brio l'approche contingente. Apple a prévu la possibilité d'un engouement très élevé pour l'iPhone, mais a résisté à la tentation d'établir la production de lancement à un niveau élevé, ce qui aurait été très risqué. Il est facile d'oublier que Apple a déjà eu des échecs importants, par exemple le Newton. Afin de maitriser le risque, Apple a plutôt misé sur une stratégie de rareté, ce qui lui évitait d'avoir à s'adapter après coup. On peut difficilement s'imaginer le risque auquel l'entreprise se serait exposée en introduisant un produit à succès pour ensuite tenter d'en restreindre la demande en haussant le prix tout en cherchant à augmenter sa rareté. Par le fait même, elle a prévenu le besoin de corriger son niveau de production une fois le lancement fait.
L'introduction de l'iPhone illustre aussi l'autre mesure d'adaptation possible, soit d'augmenter la production de façon contingente par la sous-traitance. Comme déjà mentionné, Apple a dû composer avec une demande élevée en dépit de sa stratégie de rareté lors du lancement à l'été 2007. L'entreprise s'est adaptée en activant les contrats de sous-traitance qu'elle avait déjà mis en place pour la fabrication des iPhone. Si elle avait ces contrats en place, c'est que la direction avait un plan de contingence visant à s'adapter à une demande plus élevée que prévu et, par le fait même, a prévenu un éventuel problème de réputation.
L'exemple de l'introduction du iPhone par Apple illustre bien la mise en application d'une analyse des actions en termes du modèle cause effet/passé future présenté dans ce numéro et celui de mois passé. Ainsi, le succès de la compagnie et du lancement du iPhone n'est pas le fruit du hasard, mais plutôt le résultat de mesures précises visant à prévenir les causes de problèmes avant qu'ils ne surviennent. Mais bien plus, cet exemple démontre la puissance potentielle de cette analyse en prévoyant des mesures d'adaptation et des plans de contingence afin d'être prêt pour le succès et la réussite et pas seulement pour les insuccès et les problèmes.
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