Que ce soit comme individu ou comme groupe, il y a des moments que nous cherchons à changer nos comportements ou nos résultats, mais que nous ne trouvons pas les moyens de le faire. Nous pouvons même connaître la solution ou le changement technique que nous devons apporter, mais il y a des fois que la problématique exige une nouvelle vue d'ensemble, un nouveau regard sur notre contexte d'action. Je veux donc vous parler d'une méthode qui s'avère fort utile pour changer les comportements individuels et organisationnels vers des approches mieux adaptées.
Cette méthode de changement personnel et organisationnel est décrite dans un nouveau livre par les psychologues du développement adulte Robert Kegan et Lisa Laskow Lahey, intitulé Immunity to Change: How to Overcome It and Unlock the Potential in Yourself and Your Organization (Harvard Business Press, 2009). J'ai moi-même commencé à employer cette méthode avec succès et je suis en train de l'introduire dans le cours de développement personnel pour gestionnaires de projet que j'enseigne présentement à l'Université du Québec en Outaouais.
Kegan et Lahey ont utilisé cette approche avec des milliers de cadres ainsi qu'avec de nombreuses organisations afin de trouver les vraies raisons qui mènent à leur immunité au changement. Ce mois-ci, je m'attarderai à décrire les étapes pour créer une « carte d'immunité » (immunity map). Je décrirai les étapes pour effectuer un changement personnel ou organisationnel sur la base de cette carte au mois prochain.
Il ne s'agit pas simplement de sauter sur la première idée qui nous trotte dans la tête, mais bien plus de trouver un comportement ou une tendance qui nous cause des maux de tête ou qui enfreint réellement notre progression personnelle ou organisationnelle. Il y a un petit test pour déterminer si l'objectif est réellement significatif. Premièrement, est-ce important pour nous? Il faut vraiment que la réalisation du changement envisagé nous amène à performer à un niveau beaucoup plus élevé et à réaliser un potentiel encore inexploité. Deuxièmement, il faut que ce changement soit remarquable et important pour ceux qui nous entourent : nos collègues, nos subordonnés, notre patron, nos clients, et même nos proches, le cas échéant. Finalement, il faut que le changement soit sous le contrôle de l'individu ou de l'organisation et qu'il ne s'agit pas simplement de souhaiter que d'autres changent à notre place.
Il s'agit de répondre à la question : Qu'est-ce que je fais ou ne fais pas pour m'assurer de ne pas atteindre mon objectif. Il faut donc faire l'inventaire des comportements qui vont à l'encontre de l'objectif souhaité. Si je décide que je dois mieux communiquer avec les membres de mon équipe, mais que je fais tout en mon pouvoir pour éviter de les rencontrer face à face, il devient presque impossible de m'améliorer à cet égard. En d'autres mots, comme le dit si bien le psychologue William Perry, « Qu'est-ce que je veux réellement, et que ferais-je pour être réellement sûr de ne pas l'avoir? »
Nous avons commencé en nous donnant un objectif de changement de comportement important et motivant. Ensuite, nous avons fait l'inventaire des comportements qui nous empêchent d'atteindre notre objectif, mais que nous ne semblons pas pouvoir changer pour autant. Maintenant, il faut regarder ces comportements non-productifs pour constater les engagements contradictoires qu'ils révèlent en nous. Pour continuer l'exemple de communication, nous avons décelé une tendance en nous à éviter le contact avec les membres de notre équipe, ce qui nous empêche effectivement de communiquer avec eux. En y réfléchissant, nous constatons que nous évitons de les rencontrer parce que nous avons peur qu'ils voient nos défauts et qu'ils ne nous respectent plus. Notre engagement contradictoire à notre objectif est donc d'éviter à tout prix de nous révéler par crainte d'être jugé comme inadéquat.
Une fois que l'on a bien cerné tous les engagements contradictoires à l'atteinte de notre objectif de changement, il faut chercher les raisons profondes de cet engagement. Normalement, si nous entretenons des engagements contradictoires, c'est que nous avons des croyances sous-jacentes que nous tenons pour vraies, peu importe ce que nous prétendons en circonstances normales. Dans le cas de notre exemple de communication, la personne qui veut éviter de se révéler par peur d'être mal jugée entretient peut-être une croyance à l'effet que les gens de son équipe ne la comprendrait pas, ou encore qu'ils sont incapables de juger les autres sur la base de leurs réalisations plutôt que leurs propres idées préconçues. En d'autres mots, la personne qui veut mieux communiquer avec les membres de son équipe méprise peut-être ses subordonnés, sans même le réaliser.
Comme vous pouvez constater, cette méthode permet de mettre la lumière sur les motivations profondes qui nous empêchent de réellement changer pour le mieux. Ce n'est qu'en allant au fond des choses qu'il est possible de découvrir les raisons profondes d'un comportement non-productif. Cette méthode nous donne les outils nécessaires pour le faire en privé, en groupe, pour soi-même, ou pour une équipe ou encore une organisation entière. Nous verrons dans le prochain numéro comment il est possible d'utiliser cette information pour effectuer des changements individuelles ou organisationnelles.
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