La pensée magique est la croyance naïve que l'on peut influencer le cours des événements par la simple force de nos pensées. (Note - Je dois ma connaissance de ce terme à mon collègue et ami, André Gagnon.) C'est une condition qui afflige les décideurs et les institutions lorsqu'ils sont confrontés à des choix difficiles ou des signes avant-coureurs de difficultés. La pensée magique est empreinte de naïveté parce qu'elle traduit une certaine croyance que nos pensées peuvent affecter le dénouement d'événements dans le monde réel. Ainsi, on substitue la croyance et l'espérance pour l'observation et l'analyse rationnelle. En voici quelques exemples :
· La recherche de causes banales pour expliquer des phénomènes complexes. On apprend dans les journaux du 15 mars 2008 que l'Association canadienne de l'immeuble constate une baisse des ventes dans l'immobilier résidentiel au mois de février. Au lieu de voir ce développement comme le signe d'un ralentissement possible dans ce marché au Canada, on cherche à blâmer les chutes de neige excessives de l'hiver 2007-2008. Cette explication météorologique est d'autant plus farfelue que la dépression immobilière est bien enclenchée aux É.-U. Elle ne tardera donc pas à arriver de notre côté de la frontière.
· Blâmer les autres pour ses propres difficultés. C'est ce que nous voyons présentement aux É.-U. avec la vague protectionniste qui semble vouloir resurgir face au ralentissement économique. Lors de l'élection primaire en Ohio, les candidats démocrates à la présidence ont clamé haut et fort qu'ils chercheraient à renégocier ou même abroger l'Accord de libre-échange nord-américain afin de protéger les emplois dans le « heartland » manufacturier américain. On voit le même phénomène à l'œuvre avec l'opposition à l'immigration. Le Québec n'y échappe pas puisque cette semaine un représentant de l'ADQ prétendait que l'immigration se résume essentiellement à « importer du chômage ». Quoique l'on puisse penser de ces théories, il n'en reste pas moins qu'elles traduisent une incapacité ou un manquement à vouloir analyser les causes de problèmes et leur solution d'une façon rationnelle.
· Instituer des mesures préventives après un événement tragique. Il y a un dicton en anglais qui résume bien ce phénomène (traduction libre) : « Fermer la barrière de l'enclos après que le cheval se soit enfui. » C'est ce qui s'est produit après les attentats du 11 septembre 2001, alors que les forces de l'ordre des pays occidentaux ont pris des mesures pour contrer un attentat qui venait de se produire dans un autre pays. S'il est logique et prudent de vouloir se prémunir contre des risques évidents, il est plutôt illogique de prendre des mesures préventives après que l'événement se soit produit. Encore une fois, c'est une manifestation de pensée magique. Le fait de prendre action de la sorte nous réconforte, mais le vrai travail de prévention et de protection doit se faire quand tout semble normal, pas après que la tragédie se soit produite.
· Se laisser aller à des extrêmes d'optimisme et de pessimisme. Avant l'éclatement de la bulle immobilière aux É.-U., il y avait une croyance que les prix des maisons ne pouvaient que continuer à grimper. Maintenant que la bulle a éclatée, la croyance inverse commence à s'installer. Nous n'avons pas fini de voir les effets néfastes de cette crise immobilière. Avant que la bulle n'éclate, c'était l'optimisme à l'extrême. C'est ce qui explique la prolifération d'hypothèques à risque. Les grandes banques, les maisons de courtage, les sociétés immobilières, toutes étaient de la partie. Maintenant que la bulle a éclaté, on voit le mouvement inverse. Il y a même des banques aux É.-U. qui commencent à refuser d'accorder des hypothèques à des emprunteurs solides. Plutôt que d'analyser chaque situation de façon isolée, nous constatons que les institutions financières préfèrent s'en remettre à des tendances globales et suivre le troupeau. Ce phénomène est signe de pensée magique parce que les décisions sont basées sur les agissements de la foule au lieu d'être le fruit d'une réflexion posée et rationnelle.
La pensée magique existe parce que les humains n'aiment pas songer à l'imprévisible et aux situations difficiles. Ils préfèrent entretenir de faux espoirs et croire au pouvoir de la pensée positive. Malheureusement, la vie nous réserve bien des surprises, parfois plaisantes mais aussi parfois difficiles. Or, la seule vraie façon de se prémunir face au changement, au risque et à l'incertitude c'est d'adopter une façon de pensée réaliste et rationnelle. Ce n'est pas facile de se concentrer sur des risques et menaces lorsque tout dans notre entourage nous pousse à être uniquement optimiste. À l'inverse, il n'est pas plus évident de maintenir son sang froid quand tout semble s'effondrer.
Soyez à l'affut pour les signes de pensée magique dans votre propre raisonnement. Lorsque tout va bien, demandez-vous ce qui pourrait bien créer des difficultés. De l'autre côté, lorsque tout semble aller mal, cherchez ce qui pourrait mieux aller ou des façons de vous en sortir. Dans tout, il est essentiel de maintenir un sain équilibre tout en évitant les excès de pessimisme et d'optimisme.
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