En 1982, le célèbre gourou en management Tom Peters et son acolyte Robert Waterman publiaient In Search of Excellence. L'idée était simple: étudier les compagnies qui avaient connues un succès marqué depuis des années, les comparer dans le détail et ensuite identifier les éléments qui permettent d'expliquer leur succès. Simple, non? Le livre fut un bestseller immédiat. Il fut même traduit en plusieurs langues, dont le français.
Or, la recette miracle n'était peut-être pas si miraculeuse qu'elle ne paraissait à prime abord. En moins de deux ans, certaines des compagnies présentées en exemple, notamment Atari et National Semiconductor, commençaient à sombrer dans l'insuccès. Après 5 ans, deux tiers des compagnies citées en exemple par Peters et Waterman n'avaient plus la cote dans leurs industries respectives.
En 1994 Jim Collins et Jerry Porras font paraître Built to Last. Dans cet ouvrage, les auteurs comparent des leaders incontestés dans leurs domaines respectifs avec des compagnies similaires mais ayant connues moins de succès. Le but était de déceler les éléments qui permettraient, encore une fois, d'expliquer le succès relatif des chefs de file. Une fois de plus, la déconfiture s'installait quelques années plus tard, l'exemple le plus notable étant Hewlett-Packard. Par ailleurs, des études quantitatives ont démontré que la majeure partie des succès cités était en fait explicable par les tendances sectoriels, tel que celui de l'industrie informatique.
Les insuccès des auteurs précédents sont cités dans l'ouvrage Blue Ocean Strategy, de W. Chan Kim et Renée Mauborgne, paru en 2005. Ces auteurs concluent avec raison qu'il n'y a pas de recette miracle pour assurer le succès en affaires, mais ils s'empressent aussitôt de refaire la même erreur que leurs prédécesseurs. En effet, toutes ces approches comparatives ont un défaut marqué, soit celui d'établir la recette du succès à partir d'une base de donnée incomplète et inadéquate. C'est que ces études font abstraction des compagnies et des industries qui ont cessées d'exister et donc qui ont échouées dans leurs démarches commerciales.
Or, s'il est une constante en affaires, c'est que l'échec est bien plus commun que le succès. Pour avoir une réelle validité statistique et scientifique, il faudrait établir les règles à suivre (si tel est même un objectif réalisable) à partir d'un échantillonnage bien plus représentatif de la réalité économique et historique. À défaut de construire son analyse sur des assises empiriques valides, nous sommes donc en droit de conclure que toute recette de succès établie sur la base d'une étude anecdotique et comparative doit être traitée avec scepticisme.
Dans le monde réel où évoluent les cadres et entrepreneurs, il n'y a pas de recette miracle, sauf peut-être la persistance, le travail, le leadership, la persuasion et, oui, la chance. Les vrais succès proviennent bien plus de la capacité d'apprendre, de peser le risque, de tirer avantage des occasions lorsqu'elles se présentent. Il faut donc s'adapter de façon constante, rester à l'affut des changements et des tendances, observer la compétition, l'environnement et les marchés, et être prêts à changer pour affronter la nouvelle réalité. Par ailleurs, il faut le faire de façon perpétuelle sans se décourager. Il n’y a pas de recette miracle donc, mais peut-être la capacité de faire la cuisine avec les ingrédients disponibles.
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