Chaque jour, j'ouvre la section financière des quotidiens, et je dois plonger dans l'univers des prévisions économiques et financières. Le lundi, un économiste chevronné nous dit que la croissance va reprendre dans trois mois. Le mardi, un autre économiste, utilisant les mêmes chiffres, nous démontre pourquoi le ciel n'a pas fini de nous tomber sur la tête.
Rappelons-nous, ce sont en grande partie ces mêmes experts qui nous disaient, il y a deux ou trois ans, que l'économie se portait bien et que nous n'avions rien à craindre en matière d'emploi, de finance et de la sécurité du système financier international.
Je n'ai rien contre les économistes et les analystes financiers, mais ils ne connaissent pas plus l'avenir que vous et moi. L'économie et les finances sont des disciplines descriptives et non prédictives. Elles peuvent nous dire ce qui s'est produit hier, et à l'occasion même ce qui s'est produit ce matin, mais elles ne nous donnent aucune idée de ce qui pourrait se produire cet après-midi, et encore moins demain et après demain.
En fin de compte, personne ne sait ce qui pourra se produire demain, encore moins dans trois mois, voire un an. Il y a certes des indications, mais lorsque reprise il y aura, ce sera une surprise pour tous, mêmes les économistes! Cessons donc d'accorder une importance quelconque à ces devins de la finance et des statistiques.
Au lieu de s'évertuer à deviner les événements futurs, il est plus productif de se prémunir contre les chocs et de se préparer pour le retour inévitable de la croissance. Voici quelques principes à respecter. Je n'invente rien, mais il est quand même bon de se rappeler la sagesse de tous les âges en matière de résilience et de flexibilité.
• Ne pas tout mettre ses oeufs dans le même panier. C'est peut-être un vieux dicton, mais c'en est un pour une raison. Que ce soit en diversifiant ses placements, sa clientèle ou ses fournisseurs, il est toujours prudent de minimiser l'effet possible d'une interruption de croissance, de service ou de production en ayant des solutions de rechange en vue.
• Maintenir une réserve. Les commandants militaires connaissent bien la nécessité de ne pas tout engager leurs forces immédiatement dans le combat. Il en va de même en sport et dans à peu près tous les aspects de la vie. Il faut se garder des réserves au cas où nos prévisions ou nos attentes s'avèreraient inexactes.
• Profiter des périodes fastes. Lorsque les choses vont bien, on s'empiffre jusqu'à être malade, mais lorsque viennent les années de vache maigre, c'est la disette. Il faut profiter des années de vaches grasses pour faire des provisions et des réserves. Vous savez, c'est écrit dans la Bible pour une raison. Malheureusement, ce n'est pas ce que font la plupart des gens.
• Profiter des crises. C'est vrai, on peut profiter des périodes d'incertitude pour investir et croître! La plupart des grandes découvertes et de leurs applications sont survenues lors de récessions, de dépressions et de guerres. Nous n'avons qu'à étudier l'histoire du vingtième siècle pour constater à quel point les périodes de crise ont été profitables à l'humanité, et ce, malgré les horreurs qui ont dû être endurées. En plus, les analyses ont démontré que les entreprises qui maintiennent ou qui augmentent leurs investissements en recherche et développement en dépit des crises économiques et des difficultés financières s'en tirent beaucoup mieux que la moyenne lors de l'inévitable reprise de la croissance. Ce sont les réserves qui ont été constituées en périodes fastes servent à cette expansion en périodes difficiles.
• Tout n'est que cycle. La vie et le monde sont ainsi faits que toute situation se résorbe ou se résolve dans son opposé. Les récessions et les crises sont inévitables. Heureusement, les périodes de croissance sont beaucoup plus longues que les périodes de stagnation ou de décroissance. La récession actuelle prendra fin un jour. Personne ne sait quand au juste, mais ceux qui auront investi dans la croissance et l'amélioration du rendement en profiteront beaucoup plus que ceux qui se sont morfondus ou qui se sont retranchés dans leur forteresse.
• Exercer un peu de scepticisme. Le pouvoir des devins provient en premier lieu de la crédulité de ceux qui ne se donnent pas la peine de comprendre le monde pour eux-mêmes ou qui préfèrent se faire bercer par des illusions. La prochaine fois que vous lirez une prédiction d'un analyste quelconque, notez-le et revenez-y dans un mois, six mois, un an. Vous verrez à quel point il a été inexact. Allez ensuite voir ce que ce même devin est en train de dire. Vous serez surpris de constater l'inexactitude de leurs propos.
Encore une fois, je n'ai rien comme tel contre les économistes et les analystes financiers. Ils offrent tous un service essentiel à la société et aux entrepreneurs. Mais il faut se garder de croire leurs prédictions. Les principes que j'ai décrits sont un bon point de départ pour s'armer de scepticisme et pour penser pour soi-même. Entre les devins et la puissance de mon esprit, je choisis mon esprit.
Retour aux infolettres