Je donne présentement un atelier sur la direction du changement par l'innovation et l'adaptation pour le compte d'une grande entreprise. Une question qui revient souvent c'est comment diriger et motiver les gens à changer. En d'autres mots, on me demande la façon miracle d'encourager les gens à changer. Je n'en connais qu'une, et c'est la force du leadership.
Effectivement, il n'y a pas de recette miracle pour que les gens veuillent changer leur façon de faire, surtout s'ils ne perçoivent pas la nécessité d'entamer un processus de changement. Certains se complaisent dans leur façon de faire. Ils ont besoin d'un choc pour changer de cap. D'autres veulent bien risquer, mais ils ont des craintes et de l'anxiété face à ce qui pourrait se produire.
Il serait intéressant de dénicher une façon de faire qui assurerait le succès dans un projet de changement organisationnel, que ce soit au niveau des structures, des processus ou des performances. Mais l'assurance n'existe pas dans ce domaine. Le dirigeant, ou encore celui qui doit mener le changement, doit prendre un risque.
Cette personne doit se mettre à l'avant, risquer le ridicule, le questionnement des autres, parfois l'opprobre. Pourquoi? Parce qu'il n'y a rien de certain. Parce que la personne moyenne cherche la sécurité et l'acceptation dans la foule. C'est le syndrome de la fleur qui s'élève au-dessus des autres. Le jardinier arrivera peut-être avec une faux pour la couper. Les autres fleurs seront alors heureuses. Elles n'ont rien risqué et elles ont encore leur tête.
S'il est vrai que la fleur aventureuse peut perdre sa tête, rien n'empêche d'en faire pousser une nouvelle. Elle s'en trouvera d'ailleurs ragaillardi et sera plus forte de l'expérience acquise. C'est la même chose lorsqu'on est chef de file. On doit prendre un risque et s'exposer à la critique des autres. On doit donner une vision de ce que peut représenter le changement pour l'équipe de travail, l'organisation, les individus qui la constituent. On doit encourager les autres, s'encourager soit même, mobiliser les forces créatrices du groupe et chercher des solutions novatrices pour atteindre des objectifs difficiles.
Ce n'est pas facile. Il faut du courage, de la persévérance et de l'estime de soi. Si tous les meneurs ont, à un moment ou un autre, des doutes sur leurs capacités et leurs habiletés à mener à bien leur projet, il faut quand même être sûr de la justesse de ses objectifs et de la valeur intrinsèque de sa vision des choses. Il faut aussi la communiquer de façon la plus directe et mobilisatrice possible aux intervenants qui peuvent contribuer à la réalisation du projet de changement.
Plus important encore, c'est la nécessité de faire abstraction de la critique émotive et négative dont on sera sans doute l'objet. Il faut risquer le manque de popularité. Steve Jobs dirige la société Apple de main de maître depuis son retour à la barre de l'entreprise en 1997. Il est à l'origine des succès de cette entreprise technologique. Par contre, on ne peut pas dire que les gens aiment nécessairement sa personnalité ou sa façon de faire. Pourquoi, donc, continuent-ils à travailler dans cette boîte? La réponse est simple : Jobs sait soutirer le meilleur de ses employés; il sait leur fixer des objectifs qui paraissent à prime abord impossibles mais que, à force de travail acharné et de créativité déchaînée, l'on arrivent à atteindre. Ce n'est pas de tout repos, mais c'est enivrant et agrandissant.
C'est la gestion du changement par la vision et la stimulation intellectuelle. Jobs fixe des objectifs motivateurs et se fout des conventions stériles sur la façon de faire de la Silicon Valley (La Mecque des technologies de l'information en Californie). Ses détracteurs se morfondent à lui trouver des défauts, mais les résultats de la société Apple en disent long sur le charisme et le leadership comme moteur du changement. Les processus managériales et les approches de « développement organisationnel » ont leur place, mais ils ne peuvent remplacer la vision et l'énergie du chef mobilisateur qui se fout un peu (ou beaucoup) de ce que les autres peuvent bien penser de lui (ou elle).
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