C’est en 1985 que Bernard Bass publie les résultats de ses premières recherches sur le « leadership transformateur » (voir Bass, Performance Beyond Expectations). Inspiré par les écrits du politologue Burns, Bass formula pour la première fois son modèle du leadership pleine gamme. Cette approche visait à parer aux inconvénients des autres théories du leadership. En effet, celles-ci préconisaient avant tout l’échange de faveurs et les transactions comme base du leadership efficace. Bass nomma cette approche traditionnelle « leadership transactionnel ».
Au fond, la théorie de Bass est très simple : le chef efficace sait motiver les gens à performer au-delà des attentes et peut susciter un engagement aux objectifs de l’organisation et aux besoins de la mission hors du commun. Bass se demanda comment les chefs efficaces arrivaient à « transformer » la façon de voir et de penser de leurs subordonnés et suiveurs pour arriver à un tel succès. Par une recherche empirique précise et soutenue, Bass et ses nombreux collègues ont réussi à isoler ce qu’ils croient être la clé du succès des chefs efficaces : le leadership transformateur.
Le leadership transformateur est composé de quatre facteurs reliés mais distincts au plan conceptuel, soit : l’influence idéalisée, la motivation par l’inspiration, la stimulation intellectuelle et la considération individualisée. Si les recherches initiales furent largement basées sur des groupes de militaires, les études empiriques subséquentes ont démontrées que le modèle est applicable à tous les domaines et à tous les niveaux de leadership, depuis le superviseur immédiat jusqu’au directeur d’entreprise. En plus, le leadership transformateur n’est pas un remplacement pour le leadership transactionnel, mais a bien un effet multiplicateur sur ce dernier.
Bass et associés préconisent donc un style de leadership dit « pleine gamme ». C’est-à-dire que le chef doit utiliser une variété d’approches telles que la gestion par exception, les récompenses conditionnelles et le leadership transformateur. Vue d’une autre façon, le chef efficace sait influencer autant par la motivation extrinsèque que par la motivation intrinsèque, la première étant englobée par le leadership transactionnel et la seconde par le leadership transformateur.
Suite à des analyses statistiques comparatives des multiples études empiriques menées depuis 1985, il est maintenant accepté que le leadership transformateur a l’effet le plus marqué sur l’efficacité du chef et du groupe ainsi que sur la volonté des suiveurs d’être influencés par le chef. Les formes de leadership dites transactionnelles, soit l’utilisation de récompenses conventionnelles et la gestion par exception active, quoique légèrement moins efficaces, ont aussi leur place dans la panoplie équilibrée de tout chef. Par contre, les comportements de leadership passifs qui permettent d’éviter l’implication du chef, pourtant toujours populaires chez de nombreux cadres et gestionnaires, sont à proscrire puisqu’ils sont complètement inefficaces, voire même contre-productifs.
Le diagramme qui suit (d’après Avolio et Bass, Mulifactor Leadership Questionnaire Sampler Set, Mind Garden Inc., 2004) résume bien l’effet multiplicateur du leadership transformateur par rapport au leadership transactionnel. Il se trouve que les méthodes transactionnelles sont largement applicables aux situations routinières et de gestion, tandis que le leadership transformateur est le plus applicable dans des situations de grand stress telles que prévalent en situation de crise et d’urgence.
Par contre, si Bass et associés ne voient que très peu d’avantages aux méthodes passives tels que le laissez faire et la gestion par exception passive, mon expérience personnelle m’amène à constater que ces approches ont leur application, mais dans des conditions très précises et très limitées, telles que la formation et le développement de subordonnés. D’un autre côté, il faut reconnaître que les approches passives n’ont pas leur place dans les situations d’urgence.
Richard Martin est président et fondateur d’Alcera Conseil de gestion. Il aide les individus et les organisations à exceller face au changement, au risque et à l’incertitude.