Il ne manque pas de formules pour devenir un chef plus efficace. Malheureusement, la plupart des modèles mettent l’accent sur un aspect ou un autre du leadership, au détriment d’une approche plus globale. Il faut savoir que le leadership est un ensemble de compétences, de pratiques et d’attitudes personnelles. Pour connaitre du succès comme leader il faut savoir les équilibrer et les appliquer de façon adaptée et judicieuse. Le diagramme qui suit illustre bien cette proposition. Cet article explique l’interaction entre ces trois domaines, les lacunes qui surviennent lorsqu’un chef manque de compétences dans un des domaines, l’idéal de l’équilibre entre les trois ainsi que des méthodes pour devenir plus équilibré comme leader.
On peut entrevoir la pratique du leadership sous l’angle de trois ensembles de caractéristiques particulières, soit la capacité, la compréhension et la confiance. Par ailleurs, chacun de ces ensembles interagit avec les deux autres. Je propose qu’il faille être compétent dans les trois domaines pour être un leader réellement efficace.
Commençons par définir chacun de ces ensembles. Le premier, c’est la capacité. Celle-ci comporte deux volets, soit les compétences relatives à la tâche et les compétences relatives au maintien du groupe. Les recherches engagées dès la fin des années quarante ont démontré que la première catégorie comporte des compétences axées sur l’initiation, l’élaboration et le suivi du travail du groupe. Dans le second cas, les compétences sont axées sur le maintien d’une saine dynamique de groupe, notamment par la construction, l’élaboration, l’harmonisation et le testage des normes culturelles et fonctionnelles du groupe. Chaque personne a une préférence pour une ou l’autre de ces types de compétences, mais il est tout à fait possible, et même préférable, de savoir concilier les deux approches. C’est ce que font les plus efficaces des leaders.
Le deuxième domaine est ce que j’appelle la compréhension. C’est l’aptitude à comprendre les autres et, inversement, à se faire comprendre des autres. Cet ensemble ne se limite pas aux seules compétences de communication, quoique celles-ci soient d’une importance capitale dans la compréhension mutuelle. Bien plus, cette catégorie inclut des caractéristiques humaines telles que l’empathie, c’est-à-dire la capacité de comprendre les émotions des autres sans pour autant les adopter (ce qui serait la sympathie); l’influence, ou la capacité de motiver les autres à agir et à penser d’une certaine façon; et finalement, le charisme, cette aptitude inouïe à se faire admirer et respecter pour ce que l’on est, plutôt que ce que l’on fait.
Troisièmement, il y a les compétences psychologiques reliées à l’estime de soi et la croyance à son efficacité personnelle. Je les réunis sous le vocable de la confiance. Ainsi, un chef, qu’il soit formel ou informel, ne peut pas réellement exercer son leadership et se perfectionner s’il ne croit pas réellement qu’il est à la fois digne et capable d’influencer les autres tout en gagnant le respect. Je reviendrai sur cette caractéristique plus bas, car c’est en fait la clé de voute pour exercer un leadership efficace et… confiant.
Chaque chef possède ces trois ensembles de comportements et de compétences en doses variées. Elles peuvent donc être combinées de multiples façons. Pour simplifier, nous les avons présentées dans le diagramme comme trois cercles s’entrecoupant de quatre façons différentes. Il est possible qu’une personne n’applique qu’un ensemble de compétences, mais ce serait plutôt un « cas d’école ». Concentrons-nous donc sur l’examen de situations plus réalistes en décrivant d’abord les types défaillants et ensuite le type idéal.
Le politicien – Ce type correspond au numéro 1 dans le diagramme. Dans ce cas, le chef est très confiant, comprend bien les autres et sait ce faire comprendre, mais il ne possède que peu ou pas de compétences reconnues pour exercer un leadership efficace. L’exemple le plus commun c’est le politicien qui sait commander la loyauté des électeurs par son charisme et la force de sa personnalité. Par contre, lorsqu’il doit exercer des fonctions ministérielles, l’on se rend vite compte de son incompétence. Toutes les organisations ont des gestionnaires et cadres de ce type, qui ont atteint des postes de responsabilités, mais dont l’efficacité reste à désirer. C’est un peu comme les maisons dans les westerns américains : belle façade, mais rien derrière. Ainsi, ce type de chef aurait intérêt à acquérir des compétences de gestion et de direction pour devenir plus équilibré.
Le technicien – Ce type correspond au numéro 2 dans le diagramme. Dans ce cas, le chef fait preuve de confiance tout en possédant les bonnes compétences pour exercer son leadership, mais sa capacité à comprendre les autres et à se faire comprendre et respecter fait sévèrement défaut. L’exemple le plus prégnant c’est le gestionnaire que tous reconnaissent comme compétent d’un point de vue technique et qui persiste à croire que sa méthode est la meilleure de toutes. J’appelle ce type le technicien parce qu’il a des habiletés techniques, mais souffre de son incapacité à interagir avec les membres de l’équipe, les collègues et les supérieurs. Ils ont souvent la mauvaise habitude d’imposer leurs solutions sans chercher à engager les autres dans leur processus décisionnel et même agir de façon autocratique simplement pour éviter de confronter les autres. Ce type aurait surement intérêt à mieux comprendre et à accepter son comportement et les perceptions des autres.
Le débutant – Ce type correspond au numéro 3 dans le diagramme. Dans ce cas, le chef est compétent, comprend les autres et sait se faire comprendre par les autres, mais il a tendance à manquer de confiance. À mon avis, c’est la combinaison que nous retrouvons le plus fréquemment chez les personnes possédant peu d’expérience ou chez ceux qui viennent d’être promus à un poste de responsabilité pour la première fois. C’est pourquoi j’appelle ce type le débutant. Si le chef a une estime de soi trop basse, il peut chercher à compenser en adoptant une approche agressive ou dictatoriale. Un autre mécanisme compensatoire c’est de céder trop souvent à la volonté du groupe ou des individus qui font preuve de pouvoir informel et qui ont un ascendant sur leurs collègues. Ce type doit admettre qu’il a gagné son poste parce que la direction lui fait confiance. Il aurait donc intérêt à se fier un peu plus à son propre jugement et à risquer de froisser les sensibilités des autres, surtout si ce sont d’anciens compagnons de travail.
Ces types peuvent paraitre un peu caricaturés, et c’est bel et bien le cas. L’intention c’est de démontrer les lacunes qui peuvent survenir lorsque certaines des compétences essentielles à l’exercice d’un leadership efficace manquent. Ceci étant dit, il y a bel et bien des gens qui possèdent des compétences adéquates dans les trois catégories et qui savent équilibrer leur approche.
L’équilibriste – Ce type correspond au numéro 4 dans le diagramme. Ce n’est pas qu’il est parfait comme chef ou dirigeant, mais plutôt qu’il a acquis suffisamment de compétences dans les trois domaines pour être efficace dans une grande variété de situations. Je le nomme l’équilibriste parce qu’il réalise que le leadership efficace demande un équilibre et une interaction constants entre ces trois catégories de compétences.
C’est aussi chez ce type que nous comprenons mieux l’interaction entre les trois catégories. Ainsi, un chef confiant s’attirera plus de respect et sera perçu comme possédant plus de charisme. Le respect provient aussi de la compétence technique et de la capacité à organiser le travail tout en suscitant l’amélioration continue dans la dynamique et le fonctionnement du groupe. Le chef confiant aura aussi plus tendance à mettre en application ses compétences parce qu’il réalise qu’il a les moyens pour être efficace. À l’inverse, cette compétence contribue à son sentiment d’efficacité personnelle, ce qui renforce son estime et sa confiance. Finalement, sa capacité de bien comprendre les autres et de se faire comprendre contribue à l’efficacité de ses compétences de gestion et de direction.
Les compétences reliées à la capacité de diriger les autres sont en fait des compétences individuelles de nature technique. Elles peuvent être observées et acquises par une formation plus ou moins traditionnelle. Plus souvent que non, ce sont les compétences de gestion comme la planification, l’organisation, la direction et le contrôle qui font l’objet de ce genre d’apprentissage.
Les compétences reliées à la compréhension sont aussi des compétences individuelles, mais elles se déploient dans les processus d’interaction et de socialisation du groupe et des personnes dirigées. Par contre, elles sont moins empiriques et doivent être déduites indirectement d’après le comportement du chef et en observant les réactions des autres. Ces compétences peuvent être apprises, mais il faut des méthodes plus élaborées et sophistiquées, demandant l’observation par une tierce partie et une dynamique de perfectionnement permettant l’expérimentation sans jugement sur la valeur de la personne. Il faut aussi une certaine maturité de la part de la personne apprenante puisqu’elle peut être appelée à se soumettre à une critique de sa personne.
Finalement, les compétences reliées à la confiance sont aussi individuelles, mais elles dépendent avant tout de la force de caractère de la personne qui doit diriger. Les facteurs qui contribuent le mieux à l’amélioration de la confiance et de l’estime de soi sont la mise en œuvre des méthodes apprises, l’encadrement, le soutien et l’encouragement. On ne peut espérer devenir un meilleur dirigeant si on se terre dans son repaire sans interagir et mettre en application ses habiletés et connaissances. Pour ce faire, il faut un soutien continu par des êtres chers, mais aussi par ses propres supérieurs. Les seconds sont particulièrement importants parce qu’ils doivent nécessairement admettre qu’un chef devra toujours faire face à des situations inédites qui exigent des solutions novatrices. Ainsi, qu’il soit néophyte ou chevronné, le chef aura toujours besoin d’encouragement et de conseils judicieux de la part de ses supérieurs, de ses collègues et d’autres conseillers de marque. C’est pourquoi l’encadrement par un accompagnateur ou un mentor d’expérience est critique pour le perfectionnement de tout chef, peu importe le stage de sa carrière ou de son développement personnel et professionnel.
En conclusion, nous avons vu que le leadership peut être vu sous l’angle de trois ensembles de compétences et de caractéristiques. Un dirigeant ou un chef doit posséder les capacités techniques, la compréhension et la confiance pour être réellement efficace. Ainsi, un bon chef est aussi un bon équilibriste. Si la capacité de diriger fait défaut, on parlera alors d’un simple politicien. Si l’habileté à comprendre et de se faire comprendre fait défaut, on parlera plutôt d’un technicien. Si la confiance n’est pas là, on aura affaire à un débutant.
Il est possible d’acquérir ces compétences et ces caractéristiques. Il s’agit d’avoir la bonne méthode et de s’affairer avec intention et soutien. Nous avons esquissé les grandes lignes pour permettre à un cadre ou un dirigeant, formel ou informel, de parfaire son leadership dans les trois domaines.
Et vous? Qu’attendez-vous pour devenir un équilibriste du leadership?
Richard Martin est président et fondateur d’Alcera Conseil de gestion. Il aide les individus et les organisations à exceller face au changement, au risque et à l’incertitude.